L'Inutile - Brabant-le-Roi (55)

LE TEMPS QUI PASSE S’APPELLE GUY

L’œil de Nico

Il habite à l’écart du bourg, à Bellefontaine. 1 km 500 de chemin blanc raviné par la pluie, depuis le centre. Sa ferme est un ancien château, mais Guy Groussin ne le sait pas. Ses seules certitudes concernent l’importance du travail, de l’expérience et de l’argent. Guy parle en anciens francs. Guy ne souffre pas de la solitude : il parle si fort, dans la cour de son château, qu’il converse avec son propre écho. Sans s’en rendre compte, il parsème chacune de ses saillies de références aux époques, aux dates, aux instants. Guy ne le sait pas, mais, à Bellefontaine, il habite aussi à l’écart du temps.

« C’était en mars, je semais de l’orge, je m’en souviens… »

« Vous verrez, quand vous aurez mon âge, vous s’rez moins beaux qu’aujourd’hui ! »

« Je m’souviens, c’était en 1976, l’année de la sécheresse… Je suis allé voir des cousins en Charente… Oh, trois quatre jours… Je ne suis pas parti deux fois en vacances dans ma vie. »

« Le Troumpf (entendez « Trump »), il est con comme une baleine… Obana (entendez « Obama »), je l’aimais bien, même s’il était noir. »

La première fois que Guy a mis ses vaches en pâture dans le coin, alors qu’il habitait encore la Marne, il a repéré un petit noyer, pas plus haut qu’un homme, qui poussait sur un drain. Il a conseillé au propriétaire, Monsieur Thomas, de l’arracher, mais s’est entendu répondre que : « jamais rien n’a poussé là, alors je le laisse, je ne le déracinerai jamais ! ». 40 ans plus tard, le noyer est toujours là, mais Monsieur Thomas, pas. Guy a baptisé son arbre du nom de son ami, à qui il a racheté sa ferme. Entre deux râleries, et des propos qui s’accordent difficilement avec notre temps, il évoque son noyer, une forme naturelle de nostalgie.

Une preuve, une de plus, que le temps passe et nous noie.

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