Fat West

J’ai pris beaucoup de notes lors de mes différentes incursions en terre marnaise, notamment à Sermaize-les-bains ; des croquis écrits de gueules ou de situations que j’aimerais employer dans un polar violent, une dramaturgie de fin du monde, une énergie définitive, comme une trajectoire tendue vers le pire.

« Je roule toute la nuit.

Je me suis calé sur 147km/h, le maximum sans risquer de se faire arrêter. Je m’en fous d’être flashé par les automatiques, ce n’est pas ma bagnole. Et ça m’étonnerait qu’à cette heure le propriétaire soit en état de payer ses PV. La climatisation est réglée sur le froid au maximum, le volume de la musique à la limite du supportable, et je mâche un chewing-gum au goût de gasoil – comme ça, je peux rester éveillé des plombes. Avec de temps en temps un arrêt dans une station pour faire le plein de la caisse et boire un café lyophilisé. Lyophilisé c’est mieux qu’en grain, toujours choisir le café machine, parce que ça fout un mal de bide terrible, une chiasse qui empêche de s’endormir. Je roule tellement que même à l’arrêt, les yeux fermés, le front sur la carrosserie glacée, la pompe entre les mains et le doigt bien fort appuyé sur la gâchette, je vois les lignes blanches de la route qui défilent.

Mon nom aussi refile la chiasse à ceux qui m’ont croisé. Moser. On m’a toujours dit que je virerai du mauvais côté. Le conseiller d’orientation. Le psychiatre, l’avocat. Faut dire que vous n’avez pas le nom d’un tendre, Moser. Prédestination, héritage, mon cul, c’est pas moi qui règle le calibre. Noir nuit sur béton noir, y’a rien pour me sauver. Mon parcours professionnel, c’est fuite en avant.

Alors je roule encore. »

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