Le ON de NAPOLÉON

Thriller familial sur mes origines côté paternel, qui se perdent sur une route de montagne grimpant vers le Mont Cenis. L’idée me vient pendant l’été 2020, une nouvelle fois à cause d’un hasard…

Il aura fallu ce coup de fil sorti de nulle part pour m’offrir mes galons d’empereur. Je n’ai pas vu Marlène depuis au moins 25 ans ; c’est une lointaine cousine, une Turon de Tucquegnieux, et parce qu’elle a vu mon nom dans le journal elle se fend d’un appel surprise en forme de retrouvailles.
D’abord la vieille dame de 78 ans se plaint de son entourage, soulève des secrets de famille et des questions d’héritage – elle raconte son chemin de croix. Et puis, comme la discussion dure, on glisse vers notre arbre généalogique. Nous sommes tous les deux des Turon, nous sommes faits du même bois.
Notre promenade orale nous mène ainsi jusqu’au village du Mont Cenis, en Savoie, pas encore recouvert par les eaux à cause de la construction du barrage ; nous y trouvons une jeune fille de ferme esseulée qui se trouve mise enceinte par le fruit du hasard. « Dans la famille, dis-je à Marlène, on raconte que c’est arrivé pendant le passage des troupes napoléoniennes et qu’ensuite la fille est descendue dans la vallée avec son bâtard avant qu’un Turon ne prenne soin d’elle.
– Pas du tout, répond Marlène. La jeune femme s’appelait TUR, et c’est Napoléon lui-même qui l’a mise enceinte. Il lui a ensuite offert une bourse pleine d’or pour élever son enfant, et le « ON » de NapoléON que l’on trouve à la fin de notre nom! »
Nous serions donc des descendants direct de l’empereur.
Je prête moyennement le flanc à ces histoires – d’ailleurs je trouve que ces histoires sont du flanc.
Jusqu’à hier matin, et ma rencontre avec Guy, par hasard, dans un hangar à Entzheim. Nous déambulions avec Aymeric, en quête d’un petit rien à raconter dans L’Inutile, quand nous nous mettons à questionner le gaillard sur les plantations de gazon qui entourent le village. Apparemment ici on fait fortune en vendant de l’herbe. Et voilà que Guy, qui bricole un peu dans le coin, nous raconte son quotidien de chauffeur de bus, les insultes quotidiennes, la difficulté à communiquer avec ses passagers « des quartiers » alors que sa vie à lui aussi est un champ de mines, son beau-père militaire qui le battait, sa grand-mère morte de ne pas avoir voulu lâcher son sac à main qu’on lui arrachait sur le trottoir… Il est content de nous croiser pour parler, alors il déroule encore toute sa généalogie, mâtinée de corsaires, de soldats mongols, d’italiens de Toscane et… d’un grognard napoléonien.
Irrépressiblement, je sens alors une envie de lui attraper l’oreille de la pincer pour tout à la fois l’encourager et le remercier.
Si c’est pas une preuve.

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