Au coin de ma rue
Après Michel, deux fois, j’associe une nouvelle fois mes idées et mes mots à celles et ceux de Vincent Zabus pour un travail à quatre mains qui accouchera d’un spectacle de rue.
Écrit à quatre mains,
Au Coin de ma Rue
plonge le spectateur dans ce moment où,
assis à une terrasse de café, dans le train, dans la file du supermarché,
il joue à imaginer la vie de ceux qui passent devant lui.
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LE DEROULE
Sur un trottoir, un petit gradin.
21 sièges, équipés chacun d’un casque audio.
Un bonimenteur accueille le spectateur curieux et l’invite à s’assoir,
puis à poser le casque sur ses oreilles.
Le gradin se remplit.
Une fois le public disposé, le bonimenteur sonne la cloche.
21 pistes audio différentes se déclenchent alors simultanément pour proposer 21 versions
différentes de ce qui va se passer « au coin de ma rue », face au gradin.
Car un personnage surgit sur le trottoir d’en face.
Il récite un chapelet d’action simples, en apparence anodines.
Dans chaque casque,
en lien avec l’action qui se déroule,
l’histoire de ce personnage se fait entendre.
21 version différentes.
Un des spectateurs rit,
l’autre pleure,
un troisième quitte le gradin pour aller prendre le personnage dans ses bras…
A la fin de la séquence audio, le spectateur peut rester sur le gradin et s’assoir sur le siège
d’à côté, afin d’écouter une autre histoire racontée dans un autre casque.
Ou céder sa place.
Amplitude de jeu longue, plusieurs heures.
Répétition de l’intime.
Au Coin de ma Rue.
C’est la poésie du quotidien.
Un exercice de style uniquement possible en rue.
Entre les Exercices de style de Raymond Queneau, La vie, mode d’emploi de Georges Pérec
et le Safari intime de l’Opéra Pagaï.
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CE QUI SE JOUE
Situé quelque part dans le jardin d’hiver de Queneau et Pérec, se prévalant
des Exercices de style et de la Tentative de description de choses vues
au carrefour Mabillon le 19 mai 1978,
Au Coin de ma rue
convoque une nouvelle fois le surgissement de l’intime
et du vernaculaire dans le quotidien.
Après « Michel, deux fois. », le duo Turon-Zabus prête sa tendresse à ses personnages,
des gens supposés ordinaires, tièdes, de peu de bien,
qui sont souvent simplement frappés du mal de croire
que leur histoire personnelle ne mérite pas d’être racontée.
Nous travaillerons avec la grammaire pure de la rue, son vocabulaire essentiel :
lampadaire, trottoir, porte cochère, poubelle…
Avec une dramaturgie pure, qui fait revenir le théâtre de rue à son essentiel,
tel que décrit par Peter Brook dans son Espace vide :
« Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène.
Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe,
et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé. »
Notre intention, volontaire et militante, est de nourrir à nouveau la rue d’intimités
et d’émotions communes, et ainsi battre en brèche son aseptisation due au trop-plein
de réglementations sécuritaires et sanitaires, et de conventions sociales.
Défaire le théâtre de son corset formel, aussi.
Il s’agit de faire du spectateur un co-constructeur de la dramaturgie, de manière gigogne :
le spectateur « casqué » est acteur en tant qu’il construit l’histoire avec son regard
et ses émotions. Mais le passant qui regarde le gradin et le spectateur observer,
se demandant ce qui se joue là, devient spectateur à son tour.
Le spectacle n’aura véritablement de valeur que lorsqu’il sera achevé :
c’est dans l’empreinte qu’il laissera à tel ou tel coin de rue que sa valeur résidera.
Voilà le travail de Turon et Zabus : à la faveur du théâtre rendu libre, offrir à la rue
des moments de petites grâces, l’équivalent d’un sourire échangé
avec un inconnu un matin de grand froid, d’un tour de carrousel à cinq ans,
d’un premier baiser échangé pile au moment où les lampadaires s’éteignent.
Après la première, une spectatrice nous écrit : » Je souhaitais envoyer ce petit message à la sympathique Équipe : »Au coin de